Créée par une ordonnance du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille, l’habilitation familiale est depuis le 1er janvier 2016 un mode juridique simplifié de protection d’un majeur hors d’état de manifester sa volonté ou considéré comme vulnérable à raison de la maladie, d’un handicap ou d’un affaiblissement du à la vieillesse, qualifié d’« alternatif » à une curatelle ou une tutelle, qui peut être mis en œuvre dès qu’un membre de la proche famille est d’accord pour l’exercer.

Cette habilitation consiste en un mandat, soit une autorisation, donnée sous forme d’un jugement d’habilitation, par le juge des tutelles, à ce membre de la famille, soit d’assister ponctuellement le majeur pour accomplir certains actes particuliers, soit de le représenter en permanence pour la gestion de ses biens et/ou de sa personne et la sauvegarde de ses intérêts.

Rappelons l’intérêt d’une mesure de protection pour les personnes atteintes d’une déficience intellectuelle : elles sont facilement influençables et manipulables et ignorent souvent la valeur de l’argent, ce qui les expose à de nombreux abus, tels du racket ou la signature d’actes sans les comprendre ou peut les amener à faire des dépenses ou des cadeaux non réfléchis ou excessifs.

Une mesure de protection peut par ailleurs devenir indispensable si le majeur vulnérable doit, à l’occasion d’un héritage ou d’une donation, bénéficier d’un patrimoine, notamment immobilier, qu’il est dans l’incapacité de gérer lui-même.

 

  • Quelles sont les conditions de l’habilitation familiale et les démarches à accomplir ?

Les personnes pouvant être habilitées par le juge  des tutelles sont les ascendants (père, mère, grands-parents), descendants (enfants), frères et sœurs, partenaire de PACS, concubin ou conjoint s’il n’y a pas cessation de la communauté de vie.

Sont exclus les neveux, nièces et les collatéraux ordinaires (oncle, tante, beau-frère ou belle-sœur).

Seules les personnes pouvant être habilitées peuvent saisir le juge des tutelles pour demander la mise en œuvre de la mesure, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un avocat.

Il faut pour cela s’adresser au guichet d’accueil du tribunal judiciaire du domicile de la personne à protéger, qui remettra tous les documents nécessaires à cette saisine, notamment la demande détaillée à remplir et la liste des médecins agréés pour constater la vulnérabilité de la personne concernée.

Pour prouver la nécessité de la mesure, il faut en effet remettre impérativement au juge des tutelles un certificat médical établi après examen de la personne à protéger par un médecin agréé figurant sur une liste spéciale établie par le Procureur de la République, lequel certificat doit décrire avec précision l’altération des facultés du majeur concerné, donner au juge tout élément d’information sur l’évolution prévisible de cette altération et préciser les conséquences de cette altération sur la nécessité d’une assistance ou d’une représentation du majeur dans les actes de la vie civile, tant patrimoniaux (relatifs aux biens) qu’à caractère personnel.

Le certificat doit aussi indiquer si l’audition du majeur est de nature à porter atteinte à sa santé ou si celui-ci est hors d’état d’exprimer sa volonté. Il est remis par le médecin au requérant sous enveloppe fermée, à l’attention du juge des tutelles et son coût (actuellement 160 euros) est à la charge de celui qui le demande.

Le choix de la personne habilitée appartient au juge des tutelles. Il peut écarter toute personne dont il estime qu’elle n’a pas les capacités requises ou nommer plusieurs personnes, par exemple les deux parents, pour exercer conjointement la mesure.

Avant cette désignation le juge doit s’assurer de l’accord ou de l’absence d’opposition de toutes les personnes qui pourraient être habilitées, car la mesure suppose l’existence d’un « consensus familial ». Pour cela, ces personnes seront entendues par le juge ou consultées par courrier.

Le juge des tutelles doit aussi recueillir, si elle est en état d’être entendue, l’avis de la personne à protéger. Celle-ci peut à sa demande être assistée d’un avocat de son choix ou désigné d’office.

A noter : le juge des tutelles peut décider d’une tutelle ou d’une curatelle s’il estime que les conditions d’une habilitation familiale ne sont pas remplies, notamment s’il constate une absence d’accord au sein de la famille et/ou la nécessité de nommer un curateur ou un tuteur extérieur à la famille, en raison de l’importance des biens à gérer ou de possibles conflits d’intérêts.

 

  • Comment fonctionne l’habilitation familiale ?

 

L’habilitation donnée par le juge des tutelles peut, selon ce qu’il estime nécessaire, être limitée à certains actes particuliers ou être générale et donc porter sur l’entière gestion des revenus et du patrimoine du majeur à protéger, ainsi que les actes relatifs à sa personne.

A Noter :             Il convient de rappeler que, même si l’habilitation est générale, le majeur protégé conserve certains droits, considérés comme « éminemment personnels », notamment, « dans la mesure du possible »,  le droit de choisir son lieu de résidence (une protection particulière étant prévue pour la conservation de son logement) et d’entretenir librement des relations avec des tiers, le droit de posséder un compte bancaire ouvert à son nom (mais dont la gestion peut être confiée à la personne habilitée, sauf à prévoir un « argent de poche » dont le majeur protégé peut disposer librement), la liberté de définir ses conditions de vie, de choisir comment s’habiller, se coiffer, se nourrir, se cultiver, exercer des activités physiques, la liberté d’aller et venir, le droit de vote, la liberté de religion, d’opinion, d’association, de choix des loisirs, le choix de recevoir ou non des soins médicaux, le choix de ses liens amoureux et depuis une loi de 2019 le droit de se marier sans l’accord préalable de son représentant.

Le majeur protégé a le droit d’être informé par son représentant « selon des modalités adaptées à son état » de toute décision le concernant personnellement et ce représentant ne peut s’opposer à un acte personnel accompli par ce majeur que s’il est nécessaire de mettre fin au danger dans lequel il se met par son comportement.

La durée initiale de l’habilitation familiale est fixée à 10 ans si l’habilitation est générale et son renouvellement suit la même procédure que la demande initiale, la durée du renouvellement étant de 10 ans, mais pouvant être portée par le juge des tutelles à 20 ans dans le cas où l’état de santé de la personne protégée n’est pas susceptible d’évoluer.

La personne habilitée peut, sans autorisation du juge des tutelles, accomplir tous les actes relatifs à la personne et aux biens du majeur protégé, selon l’étendue de l’habilitation dont elle dispose, mais l’accord de ce juge est nécessaire si le représentant doit porter atteinte au logement du représenté, procéder à des donations entre personnes vivantes des biens lui appartenant ou effectuer un acte pour lequel les deux se trouvent en opposition d’intérêts.

La fonction exercée par la personne habilitée ne donne  pas lieu à rémunération, car elle relève de la solidarité familiale.

Par différence avec la curatelle ou la tutelle, la personne habilitée, considérée comme bienveillante envers le majeur protégé car faisant partie de sa famille, n’a pas d’obligation de procéder à un inventaire des biens de l’intéressé, ni de rendre annuellement compte de sa gestion auprès du greffe du tribunal.

L’habilitation familiale est donc moins contraignante que les autres mesures de protection mais, pour éviter les risques d’abus, le juge des tutelles, reste compétent pour statuer sur toutes les difficultés rencontrées lors de l’exercice de la mesure, qui peuvent être portées à sa connaissance par tout intéressé, même extérieur à la famille. Il peut ainsi décharger la personne habilitée de sa mission après son audition, si elle n’a pas agi dans l’intérêt du majeur protégé. Par ailleurs, toutes les personnes pouvant être habilitées peuvent demander à tout moment au juge des tutelles de substituer à l’habilitation familiale une mesure de curatelle ou de tutelle.

L’habilitation familiale reste donc dans tous les cas une mesure de nature provisoire.